mardi 9 juillet 2013

Second Voyage, Jour 2 : l'arrivée au Maroc

Direction Almeria donc, une heure de route sur une petite nationale perchée sur des montagnes arides,  en bord de méditerranée, puis quelques kilomètres d’autoroute, pour une arrivée directe à son bon port.

5h de traversée sans encombre plus tard, il est 20h quand le ferry accoste au port de Nador.
« Seulement 2h après », les roues de ma voiture foulent enfin le sol du continent africain. Ne reste plus qu’à passer la douane.
Il est à peine Minuit lorsque tous mes papiers sont enfin tamponnés, c’est officiel, je peux continuer mon voyage.

Minuit et demie, j’ai passé les 3 postes de gardes de sortie du port.
Police royale, Gendarmerie royale, et douane-tout-cours sont là pour vérifier que tout a bien été vérifié auparavant. Certains me feront à peine signe, d’autre demanderont l’intégralité des papiers + ouverture du coffre et n’y jetteront pas même un coup d’oeil, d’autres (en uniforme toujours) me serreront chaleureusement la main « Ca va la bess ? la famille tout ça ? Bienvenue au Maroc ! ».


Les longues heures d’attente m’ont fait oublier une certaine réalité de la conduite ici, je m’attendais à récupérer rapidement une voie rapide, caler le stabilisateur de vitesse, bonne musique sur l’autoradio, à profiter de la fraîcheur de la nuit pour rejoindre la côte atlantique… Atta mon gars !  Y’a quelques étapes avant ! Il faut quitter la ville.


Ici, les routes ressemblent à des routes, c'est-à-dire avec du goudron et des bandes blanches (pas tout le temps en réalité), mais la ressemblance s’arrête là.
Tout et tout le monde cohabitent, tout le temps : ça grouille de vie à toute heure du jour et de la nuit. De la dernière Audi A5 et autres 4x4 de luxe (- les pneus tailles basses, les contradictions sont légions ici, mais celle-ci n’est pas encore arrivée, ou alors pas beaucoup) qui vous dépassent à plus de 90km/h, à la R18 qui semble sortir du siècle précédent dont la vitesse de pointe n’a pas dépassé les 40 depuis le début de la fin de vie de son 4ème moteur changé, les scooters qui doublent entre les files avec 3 passagers, sans casque (officiellement non obligatoire en ville), ET bien sur, la petite carriole tirée par son âne qui roule à 15 km/h.
Pour ce dernier, on ne pourra pas lui reprocher la mauvaise utilisation de ses feux de signalisation ou de ses clignotants.

Les piétons aussi ont du être spécialement entraînés. La notion de danger n’est pas même ici : ils traversent n’importe où (autoroutes comprises), n’importe quand, et comme les automobilistes n’ont pas été formés aux notions avancés de la conduite « priorité au piéton », ils s’arrêtent entre les voies le temps que les files de voitures s’étirent pour leur laisser se frayer un chemin, sans même interrompre leur conversation. La mauvaise idée de vouloir laisser passer quelqu’un se traduit par quelques reproches bien sentis accompagnés des gestes qui expriment clairement « mais tu ne vois pas que tu bloques tout le monde là à t’arrêter comme ça ? »

« Le feeling, conduire au feeling, souviens-toi de ton cours de conduite dans ton précédent voyage… »

Ca commence à venir.
Voilà justement devant moi de quoi s’entraîner à ne pas s’étonner de l’étonnant : j’arrive sur une scène d’accident. Rien de grave heureusement, une « carriole ânée » n’a pas supporté le surpoid-depuis-un-demi-siècle sur son train arrière. Il a décidé de quitter la charrette, dont le contenu s’est intégralement déversé sur la chaussée.
Elle est donc bloquée de toutes parts, par ¾ de charrette, 100% de son chargement par terre, un essieu+2 roues sur la gauche, et attaché au tout sur la droite : un âne qui ne semble pas prêt à vouloir bouger d’un cm.

Les choses s’organisent instantanément : les voitures pressées sont en train de lever un nuage de poussière qui ne fait que s’épaissir sur le bas côté de la route, les moins pressés et la centaine de badauds qui s’est accumulée autour du fait divers sont en train de donner un coup de main pour rétablir le trafic.

Avec mes 3000 km à parcourir jusqu’à destination, dont une grande partie au-plus-vite-pendant-qu’il-fait-nuit, je choisi d’apporter ma contribution (de façon modeste toutefois) au nuage de poussière.

C’est à ce moment précis que ma voiture décide d’arrêter de fonctionner. Plusieurs tentatives pour faire redémarrer le moteur n’y feront rien, on dirait les symptômes d’une panne sèche (principalement parce que je ne sais pas identifier grand-chose d’autre), mais l’aiguille du réservoir indique plus d’un quart de « coco disponible dans le bignou », pas de chance, ça doit être mécanique.

Je termine ma course sur la deuxième voie improvisée du contournement de la chaussée, stoppé net dans ma course par le destin (+ une défaillance mécanique).

Une voiture allemande remplie de matériel, son français au volant aussi productif qu’une mouche dans un tonneau, une centaine de badauds qui courent autour dans tous les sens pour aider ou commenter l’accident juste à côté, ça beugle, ça bouge, ça vit… Et maintenant je fais quoi ?

Arrive alors une fourgonnette de forces de l’ordre. Elle se gare à côté de moi, je vais à la rencontre du conducteur. Il sort, grand sourire, uniforme impeccable « C’est vous l’accident ? »
Je pensais que j’étais mal, je prends conscience instantanément que non, c’est dans ce moment présent que je suis vraiment mal, parce qu’une traduction possible de ce que vient de me demander l’agent pourrait être « j’espère que tu as un bon gros matelas de Dirhams bien touffu dans ton coffre pour étouffer tout ça, parce que des textes de loi sur le trouble de la circulation, j’en ai déjà 15 qui me viennent en tête et toute une équipe de sergents pour en trouver d’autres»

Je prie pour que l’auréole au dessus de ma tête clignote pendant ma réponse, quoique je ne sois pas bien sûr que ça puisse être significatif en ces lieux
« Non non, je suis passé après, et ma voiture est tombée en panne. Je suis vraiment content de vous voir ici, vous connaissez un dépanneur pour m’aider ? »

Le policier sera exemplaire de gentillesse, et après avoir proposé d’appeler son cousin pour me remorquer, il me propose plutôt d’utiliser son téléphone de service pour appeler mon assurance en France.

Je n’y avais pas pensé. Alors qu’un de mes rares souvenirs de spot publicitaire radio d’actualité vantait le service à ses généreux donateurs, de mon assurance oui c’était bien la mienne, à venir enlever gratuitement le véhicule en panne pour l’emmener dans un garage…  En France certainement… mais ici ?

La conversation qui suivra sera haute en couleur, du
« Attendez votre nom est mal orthographié dans votre contrat je vous propose de passer quelques minutes à réparer ce bug informatique »,
passons par le « Ah ça y’est je vous ai trouvé ! vous êtes bien client chez nous ! Ah c’est pour l’étranger ? je vous passe un autre service ne quittez pas….   Bonjour Monsieur pouvez-vous me donner votre numéro de contrat que je puisse vous identifier ? »

Plus de 20 min que je me bats au téléphone, le policier me regarde du coin de l’œil en se demandant si je ne suis pas en train de prendre des nouvelles de ma famille à travers toute l’Europe, je finis par tomber sur la bonne personne, au bon service, qui a elle aussi découvert mon identité dans le dédale de leur fichier client. Chewing-gum bien calé en activité permanente, on sent que dans son centre d’appel en France, la pause café n’était pas loin et que je tombe mal, elle résume la situation :
« Donc vous êtes en panne, dans une ville du Maroc mais vous ne savez-pas me dire où plus précisément, vous êtes bien client chez nous, vous avez la police avec vous qui essaie de vous aider… mais vous voulez quoi du coup ? »

En dehors de coller une énorme baffe à toi et ton chewing-gum ? Mais qu’on vienne me sortir de laaaaaaa !

« Bon je préviens notre interlocuteur local, il vous rappelle sur votre téléphone marocain »

Ouf.

L’interlocuteur me rappellera rapidement, la description du lieu précis se fera par l’intermédiaire du policier tout sourire, il ne me restera plus qu’à attendre la dépanneuse.

Une fois sur place, le petit-gars sympas qui la conduit me confirme la problématique de mon non-redémarrage, et commencer à préparer le treuil pour charger ma voiture sur sa plateforme. Comme c’est une voiture allemande, les crochets ne sont pas apparents, il faut une pièce qui se visse dans le par-choc. Elle doit se trouver dans une trappe au fond du coffre, devant l’état d’encombrement de se dernier, il me fait signe qu’il a peut-être la pièce. Il en essaye 8, pas une ne rentre, nous décidons de vider le coffre, alors que l’accident est maintenant nettoyé, et que les passant s’occupe maintenant à commenter ma propre situation, en cercle autour de nous.
La trappe de secours est garnie d’outils bien rangés pour dépanner la voiture, ils sont forts ces allemands. Il apparaît d’ailleurs bien nettement la forme de rangement de l’outil que je cherche…  sans rien dessus. Il est moins fort l’ancien proprio de la voiture…

« Pas de soucis » renchérit mon dépanneur. Il part fouiller à nouveau dans son camion pendant que je reconstitue mon coffre sur-chargé. Il revient avec un crochet au bout de son câble, et me montre comment il va l’attacher directement sur le train avant de la voiture, à côté de la biellette de direction. Mon regard interrogateur (voir +, mais pas encore paniqué, quand même…) le poussera à renouveler son rassurant « pas de soucis », et bien allons-y.
Ca s’est bien passé, et l’idée de dernier moment que j’ai pu avoir de demander un détour par une station service, juste-au-cas-où semble lui plaire « on va voir mon cousin alors ! ».

Et bien ça n’a pas manqué : le réservoir était à sec. L’aiguille du tableau de bord faussée d’un quart de sa trajectoire (j’évite de penser à la même découverte que j’aurai pu faire… au milieu du désert…). Un plein plus tard, de chaleureux remerciements et quelques dirhams échangés, il est 2h du matin lorsque je peux enfin attaquer mon périple nocturne. L’idée étant d’atteindre Agadir avant les pics de circulations des heures de bureau.

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